La chatte bernerienne
Loin de l’animal domestique que nous connaissons bien, la chatte bernerienne est un bateau typique de la baie de Bourgneuf. Aujourd’hui méconnu, ce voilier fut entre le XVIIe et le XVIIIe siècle le bateau le plus utilisé en Sud-Loire pour le commerce et la pêche.
Charles Viaud, Chatte bernerienne, XXe siècle.
Le nom et la forme de ce bateau seraient empruntés au monde scandinave. Il s’agit d’un bateau amphidrome à fond plat d’une longueur de 12 mètres pour une largeur de 3,5 à 4 mètres. Construit en bois de chêne, acacia et sapin pour le pont, le voilier était muni de trois mâts verticaux. Le mât central était le plus grand et sa hauteur équivalait à la longueur du bateau ; les deux autres plus petits mesuraient près de 8 mètres de haut. Les extrémités de la coque étaient identiques et pointues afin que chacune d’elles puissent accueillir le gouvernail. En effet, la particularité des bateaux amphidromes est qu’ils n’ont pas besoin de virer de bord pour changer de direction, il suffit de déplacer le gouvernail d’un bout à l’autre du pont, l’avant devient ainsi arrière et réciproquement.
La chatte pesait environ 12 tonnes et malgré son faible tirant d’eau, elle pouvait atteindre une vitesse de 8 nœuds. Un équipage de deux à trois personnes suffisait à son maniement. Grâce à toutes ces caractéristiques, les chattes pouvaient naviguer aussi bien en mer que dans les étiers.
Elles étaient utilisées pour le transport de marchandises telles que le goémon (engrais), le vin, les céréales, le sel, et les matériaux de construction. À la belle saison les chattes naviguaient jusqu’à Lorient, Belle-Île et Libourne. Principalement attachées aux ports de Paimboeuf et Nantes, La Bernerie-en-Retz est tout de même décrite en 1688 par Beichamel de Nointel comme le port le plus commerçant du pays nantais, et plus d’une centaine de chattes naviguaient dans la baie pour la pêche et le commerce en 1754.
Les chattes étaient construites aux chantiers navals du Collet, de Pornic, de Noirmoutier, de La Bernerie-en-Retz (à La Jaginière), et de Paimboeuf au chantier Baudet. La rue de la Montée à la Chatte à La Bernerie-en-Retz conserve le souvenir de ce passé naval.
Au fil des siècles l’envasement de la baie limite l’accès aux ports, l’activité portuaire de la Côte de Jade décline peu à peu. On ne trouve plus que quatorze chattes en 1814 naviguant dans la baie remplacées par des chaloupes pouvant transporter plus de marchandises. La dernière chatte « La Pourvoyeuse » attachée au port de La Bernerie-en-Retz est transformée en 1872 en chasse-marée au chantier Fortineau de Pornic.
Complètement disparu, des passionnés tentent à travers l’association les Amis de la chatte de la Baie de faire revivre ce patrimoine naval notamment grâce à la reconstitution d’une chatte grandeur nature.