Le moulin du Chaffault
Dans un travail encyclopédique sur les vins de la Loire, on lit à La Limouzinière : "curiosité à voir : une tour dans les vignes". Les familiers de l'endroit ont bien sûr reconnu la masse de l'ancien moulin qui s'élève à l'entrée du bourg, venant de Saint-Philbert, le vénérable moulin du Chaffault.
Moulin du Chaffault, 2017, ©J.-L. Gourvès
En 1470 Guillaume du Chaffault, vassal du seigneur de Rais, lui rend aveu, et mentionne "mon moulin à vent des Morronnières". De nombreuses parcelles, proches du moulin actuel, portent encore ce nom sur le cadastre napoléonien levé en 1843 ; on est donc bien en présence du moulin du Chaffault. Voici pour l'ancienneté du moulin.
En 1671, au décès du seigneur du Chaffault, ses biens sont saisis par ses créanciers et vendus judiciairement, toujours sous la mouvance du seigneur de Rais. Le moulin du Chaffault est acheté par les La Moricière qui le conservent jusqu'en 1777, date à laquelle ils le vendent au meunier qui l'affermait, Jean Roy, avec le droit d'obliger les sujets à venir y moudre leurs blés. Las, aussitôt un autre meunier de la Limouzinière, prétendant détenir déjà ce droit, lui intente un procès. En fait, le duc de Retz avait malencontreusement cédé deux fois le même droit à deux acheteurs de moulins différents. Le procès durera cinq ans.
Jean Roy meurt en 1786. Le moulin est vendu mais l'acheteur n'aura pas le loisir d'en profiter longtemps car survient la tourmente révolutionnaire. Comme partout dans le pays insurgé les moulins et les fours sont détruits par les troupes républicaines pour affamer les populations. Le moulin du Chaffault n'y échappe pas.
Meule dormante à l’intérieur du moulin, 2017, © J.-L. Gourvès
Ce n'est qu'en 1842, par le cadastre, que l'on a connaissance du propriétaire. Il s'agit de Mathurin Mainguy, probablement déjà propriétaire de longue date. La meunerie, dans cette commune, est l'affaire des Mainguy tout au long du XIXe siècle. Ils portent tous de père en fils le prénom de Mathurin.
Le moulin est réputé être en mauvais état. L'entretien d'un moulin était très onéreux et on devait naturellement tarder à entreprendre les réparations nécessaires.
Vers 1880, on équipe les moulins à vent du système d'ailes Berton. On fabrique des ailes plus longues, ce qui amène à rehausser la maçonnerie du moulin, la "masse" du moulin. Cette transformation est faite vers 1887.
Le moulin est déclaré arrêté à la fin de la Grande Guerre, Mathurin III, petit-fils du Mathurin de 1842 a 59 ans et Mathurin IV, son arrière-petit-fils, 23 ans.
Bon nombre de moulins traditionnels ont cessé de fonctionner avant la Grande Guerre, concurrencés par les minoteries motorisées. Au recensement de 1921, Mathurin III est âgé de 62 ans, déclaré sans profession et domicilié au moulin ! En 1935, l'abbé Brunellière dans son livre sur La Limouzinière évoque le moulin "maintenant découronné".
La "tour dans les vignes" appartient désormais en toute logique au propriétaire des vignes.
Cet article a été réalisé en collaboration avec M. Jean-Louis Gourvès, membre de La Ligne Corcoué-Histoire.