Le calvaire de la Roche de Grés
Tout près du moulin de la Roche de Grés, se trouve un édifice curieux surmonté d’une croix. C’est un calvaire oublié dont peu de gens aujourd’hui connaissent l’histoire. Il m’a fallu de la patience et surtout la chance de rencontrer Félix Lebreton, Mme Grollier (grand-mère) et Pierre Fréor pour avoir la bonne explication. Ces personnes sont décédées depuis longtemps mais avaient conservé en mémoire ce qui se racontait depuis plusieurs générations dans leur famille.
Calvaire de la Roche de Grés, 2016, ©Société d’Histoire de Saint-Jean-de-Boiseau
On a commencé par me dire que c’était pour commémorer un massacre de la population pendant les Guerres de Vendée. Le plus documenté sur le sujet était Félix Lebreton et voici son récit. Le pays était encore traumatisé par les massacres qui avaient été commis dans les deux camps, mais c’est surtout ceux exécutés par les troupes républicaines du Château d’Aux que l’on pardonnait difficilement. Les rebelles étaient des hommes qui s’en prenaient à des soldats. Les colonnes infernales de Turreau et du commandant Martin massacrèrent des populations innocentes, femmes, enfants et vieillards compris. Probablement sous l’égide du clergé et du conseil de Fabrique de Brains, Saint-Jean-de Boiseau et Le Pellerin, il fut convenu d’ériger en commun un monument en souvenir de ces martyrs.
Le lieu fut choisi près de l’intersection des 3 communes à la Roche de Grès. Ce n’est pourtant pas là qu’eurent lieu les plus gros massacres, mais dans les environs, le Bois de Jasson à Brains, Le Surchaud, La Prunière pour Saint-Jean de Boiseau et Le Pellerin.
Plan cadastral de 1837, archives municipales de Saint-Jean-de-Boiseau
Après des recherches j’ai fini par découvrir qu’une femme Anne Jeanneau, qui travaillait dans son champ fut tuée là lors du passage de la colonne infernale du 10 septembre 1793. C’est plus par un malheureux hasard et la position géographique du lieu que l’emplacement du calvaire fut choisi à cet endroit.
Pour sa construction, autour de 1805-1810, la date des Rogations fut retenue. Lors de la procession, les paroissiens apportèrent chacun une pierre de chez eux et sur le lieu de la rencontre des trois paroisses, un maçon les disposa en cercle, sans maçonnerie, pour former une colonne sur laquelle fut scellée une croix en granit. Un petit parterre fleuri entourait le monument.
Ainsi, jusqu’au 25 avril 1961 les habitants de Brains, Saint-Jean-de-Boiseau et Le Pellerin, vinrent à travers champs faire une halte devant le calvaire.
Calvaire de la Croix du Grés construite par Pierre Fréor, 1970, ©Société d’Histoire de Saint-Jean-de-Boiseau
Puis seule la grand-mère Grollier qui habitait en face continua d’entretenir le jardinet au pied du monument. À son décès, par manque d’entretien, il se dégrada et la croix de granit se brisa. Le calvaire serait tombé dans l’oubli sans l’intervention de Pierre Fréor, alors membre du Souvenir Vendéen, qui décida de la remplacer. Au tout début de 1970, dans son atelier, il récupéra du fer à béton et réalisa rapidement celle qui subsiste aujourd’hui. Ce n’est pas une œuvre d’art…mais cela fut fait dans l’urgence. Après la mort de Pierre Fréor, le calvaire retomba à nouveau dans l’oubli sa sauvegarde fut entreprise par la Société d’Histoire de Saint-Jean-de Boiseau, en la personne de Maurice Redois. Plus tard, les premiers plans de la quatre-voies, pour rejoindre le Pellerin, sacrifiaient le calvaire et le moulin en ruine, pour des raisons de sécurité. La Société d’Histoire avec l’appui du Souvenir Vendéen dut une nouvelle fois démontrer l’importance de conserver ce seul témoin du secteur pour cette période de guerre civile.
Cet article a été réalisé en collaboration avec M. Jean-Luc Ricordeau, président de la Société d’Histoire de Saint-Jean-de-Boiseau.